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Humanising Language Teaching
Year 4; Issue 6; November 02

Short Article

Un chagrin de prof

By Cecile Marit, Dutch teacher, I.E.P.S.C.F. – Uccle, Belgium
E-mail: fontaine_aux_vins@mail.be

Mai 2001 

J'entame une nouvelle formation de deux mois. Avec un nouveau groupe de débutants. Les beaux jours s 'annoncent. Soleil . Il fait bon et je suis enthousiaste. J'aime bien les débutants : j'ai le privilège de leur faire découvrir quelque chose qui ressemble – même si c'est un leurre – à un « tout » qui ferait pâlir les maîtres du monde. J'ai le privilège de les voir partir de (presque) rien et arriver à « tout ça ».  
Je vous les présente donc : Miriam et Jacob, arabophones. Johan, Christel, Kelly, Leen, Lisa, Mira, Blanca, Bertha : Africains, de l'Afrique noire profonde … pas celle des dépliants touristiques. Tous réfugiés plus ou moins politiques. Dora, Amérique centrale, hispanophone. Bart, Rony, Peter, Rudy, Frank, Tony, Iran, Irak, Afghanistan etc… Des pays pas faciles en ce moment et si loin de nous, …. de moi. Sander, Tommy, Nadia, Linda, Jack, Helena, Tina…Tous plus ou moins Belges, ou pas trop Belges. Scolarisés ou pas trop scolarisés, ici, en Belgique, en tout cas. Lea et Diana : Russie et Bulgarie. Si proches … Si proches ? 

Juin 2001 

Quelques réflexions :

  • On ne sait jamais pour toujours. Je cherche. Et tente d'axer cette recherche sur l'écoute de l'autre. Je cherche et donc je tâtonne. Dans le noir et la solitude.  
  • C'est quoi l'écoute ? Et qui est cet autre si autre ?

J'ai en face de moi une série de gens, des êtres humains, qui de n'avoir si longtemps pas eu de parole n'ont – aujourd'hui - pas d'écoute. Donc pas d'apprentissage.
Des personnes qui d'avoir eu tant de répression n'ont – aujourd'hui – que des délires. Donc pas de rigueur.
Des personnes qui d'avoir connu un départ si total, n'ont pas - aujourd'hui – l'audace de s'ancrer. Donc pas de vrai désir de la langue.
Des personnes qui d'avoir tant perdu d'amis se disent encore et encore dans un monologue sans regard. Donc pas d'envie vraie de l'autre. Pas de communication. 

  • Et le langage … C'est quoi ? « Une langue que j'essaie de vous apprendre (à dire ? à aimer ? à vivre ?). Parce qu'elle est dans mon cœur. Et parce que vous êtes ici, chez moi. Et bienvenus . Cette langue qui est la mienne, qui est mon cœur et ma culture, est un langage qui pour vous n'a pas de sens. Elle dit toute une histoire de révoltes et d'acceptations, d'amours et de désamours, de relations et de secrets… Il y a dans ma langue des musiques, des larmes et des rires, des cris et des non-dits. Depuis des siècles… Et mon langage n'en est pas un pour vous. Donc pas un entre nous. Je ne sais si vous me parlez singulier ou pluriel, si vous attendez une réponse à une question que vous ne m'avez pas posée…. Je ne sais si votre oui est vraiment oui. Je ne vous comprends pas et ne sais qui de vous ou de moi est inadéquat. Ni comment construire ce pont entre vous et moi…. »  
  • Qui suis-je ? Prof, sœur, mère, amie, ennemie ?… Rien de tout cela. Je n'en ai pas le désir. Et pourtant tout cela aussi. Sinon, ferais-je ce métier ?… C'est quoi au juste « prof » ? Et pour qui ? D'ailleurs, c'est quoi être « apprenant » ?
   

1er juillet 2001 

J'ai le cœur brisé.. 

Septembre 2001 

Quelques-uns sont revenus. Je les ai croisés aujourd'hui. C'est eux qui sont venus à moi. Pleins de reconnaissance pour cette chose pour laquelle je n'ai pas de nom et que je n'ai pas su – ou pu, ou voulu - leur donner. La rencontre fut un vrai moment de plaisir. Court. Unique. Intense. Et définitif. 
« Vous et moi avons terminé aujourd'hui notre chemin ensemble. Je vous ai tous revus. Quelques-uns ensemble. D'autres seuls. Toujours par hasard. Et je crois aujourd'hui que notre rencontre avait eu lieu, malgré tout. Car il m'a semblé que vous vous sentiez ici – chez moi – chez vous. Et bienvenus.  
Merci."


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